La terre s'ouvre et t'accueille
(À la mémoire de Tahar Djaout)
La terre s'ouvre
et t'accueille
Pourquoi ces cris, ces larmes
ces prières
Qu'ont-ils perdu
Que cherchent-ils
ceux-là qui troublent
ta paix retrouvée?
La terre s'ouvre
et t'accueille
Maintenant
vouz allez vous parler sans témoins
Oh vous en avez des choses à vous ranconter
et vous aurez l'eternité pour le faire
Les mots d'hier ternis par le tumulte
vont peu à peu se graver dans le silence
La terre s'ouvre
et t'accueille
Elle seule t'a désiré
sans que tu lui fasses des avances
Elle t'a attendu sans ruse de Pénélope
Sa patience ne fut que bonté
et c'est la bonté qui te ramène à elle
La terre s'ouvre
et t'accueille
Elle ne te demandera pas des comptes
sur tes amours éphémères
filles de l'errance
étoiles de chair conçues dans les yeux
fruits accordés du vaste verger de la vie
souveraines passions qui font soleil
au creux de la paume
au bout de la langue éperdue
La terre s'ouvre
et t'accueille
Tu es nu
Elles est encore plus nue que toi
Et vous êtes beaux
dans cette étreinte muette
où les mains savent se retenir
pour écarter la violence
où le papillon de l'âme
se détourne de ce semblant de lumière
pour aller en quête de sa source
La terre s'ouvre
et t'accueille
Ta bien-aimée retrouvera un jour
ton sourire légendaire
et le deuil prendra fin
Tes enfants grandiront
et liront sans gêne tes poèmes
Ton pays guérira comme par miracle
lorsque les hommes épuisés par l'illusion
iront s'abreuver à la fontaine de ta bonté
Ô mon ami
dors bien
tu en as besoin
car tu as travaillé dur
en honnête homme
Avant de partir
tu as laissé ton bureau propre
bien rangé
Tu as éteint les lumières
et puis en sortant
tu as regardé le ciel
son bleu presque douloureux
Tu as lissé élégamment ta moustache
en te disant :
seuls les lâches
considèrent que la mort est une fin
Dors bien mon ami
Dors du sommeil du juste
Repose-toi
même de tes rêves
Laisse-nous porter un peu le fardeau