Le manuscrit
Je ne savais pas que Satan - Iblis pour les intimes - était de petite taille et
qu'il était si indiscret, voleur de surcroît.
J'était à mon bureau en train d'écrire quand il est venu s'asseoir en silence à mes côtés. Moi qui ne suis pas un géant, je le dépassais d'une tête. Je le détaillai donc avec assurance, relevai un à un ses signes distinctifs. De profil, son nez paraissait long. Son œil unique n'avait pas de cils. Une étoile à sept branches était tatoeée à la commissure de ses lèvres.
L'ayant ainsi dévisagé et reconnu, je me suis remis sereinement à l'ouvrage. Tiens, un poème sur Iblis, me dis-je. Il a suffi que j'émette cette pensée pour que mon compagnon s'agite. J'ai vu une main très fine sortir de sa poche et se poser sur ma feuille. À chaque mot que j'écrivais il ajoutait un autre, avec un sens réel de l'à-propos je dois dire. Mais si l'une de ses trouvailles ne me plaisait pas et que je la raturais, il me rendait immédiatement la pareille.
Nous écrivîmes et corrigeâmes ainsi longtemps jusqu'au moment où la sonnerie de téléphone retentit. Je décrochai, attendis que mon interlocuteur se présente. Mais il n'y avait personne à l'autre bout du fil. Je finis par raccrocher avec rage.
Iblis avait mis à profit cet intermède pour disparaître, emportant avec lui notre manuscrit.